Chercheure au GRIÉS et professeure au Cégep Édouard-Montpetit, Sylvie Loslier a mené une recherche sur la situation des étudiants issus de l’immigration lors des stages dans des programmes de techniques humaines et de la santé.
Financée par le Fonds de recherche du Québec -société et culture- (FRQSC) et menée en collaboration avec des membres du Groupe de recherche sur l’immigration, l’équité et la scolarisation (GRIÉS) de l’Université de Montréal, la recherche s’intitule La situation d’apprentissage des étudiants québécois issus de l’immigration: de la théorie au stage professionnel.
Au cours des dernières années, des indices laissaient présager une problématique propre à ces programmes comportant, comme modalité d’apprentissage, la réalisation de stages. Plusieurs professeurs avaient la perception que les étudiants issus de l’immigration qui réussissent les cours théoriques éprouvent des difficultés lors des stages. On constatait que le taux d’échec est élevé et disproportionné par rapport au nombre d’étudiants admis. De plus, on rapportait des situations irritantes liées aux différences culturelles et à leurs manifestations, par exemple des demandes d’accommodement vestimentaire ou d’horaire pour des motifs religieux, qui alimentent un climat scolaire parfois tendu. (…) Pour les étudiants issus de l’immigration, le stage présente un défi spécifique : celui de la rencontre interculturelle. Il devient rapidement anxiogène tant pour les étudiants de première que ceux de deuxième génération notamment parce que le savoir-être exigé est défini socioculturelle ment, qu’il représente une part d’inconnu et qu’il est évalué. Le stage se trouve au carrefour de la reconstruction identitaire pour étudiants récemment établis, ou de la continuité pour les Québécois nés de parents immigrants.
Cette recherche s’est donc intéressée aux étudiants qui ont réussi leurs stages afin de mieux identifier quels étaient les facteurs favorables ou nuisibles contribuant au succès. Toutefois, il apparaît qu’au-delà de leur réussite, les embûches sont nombreuses.
Voilà des questions qui ont orienté cette recherche exploratoire menée dans trois cégeps du Québec, au sein de deux programmes, Techniques de travail social et de soins infirmiers, et dans deux secteurs, au régulier et à la formation continue.
Le premier chapitre, « La problématique et la méthodologie », rend compte de la démarche et de la méthodologie utilisée qui permettent d’aborder le point de vue des étudiants issus de l’immigration et des professeurs responsables des stages en milieu professionnel. Il présente les caractéristiques de cette modalité d’apprentissage; le stage comme moment charnière se situe au carrefour des identités des interlocuteurs et de la rencontre interculturelle. Finalement, ce chapitre traite de la variable ethnoculturelle dont l’utilisation permet de mieux cerner la spécificité de la situation d’apprentissage des étudiants issus de l’immigration et ce qui les distingue de leurs pairs
Le deuxième chapitre, « Le parcours migratoire et l’adaptation socioculturelle : mouvance de l’identité ethnoculturelle », vise essentiellement à dresser le profil sociodémographique ainsi que le parcours migratoire (motif de départ et conditions sociales d’intégration) des répondants. Puis il se penche sur des aspects de la dynamique et des manifestations de l’identité ethnoculturelle des stagiaires rencontrés. Finalement, il aborde la formation scolaire et professionnelle antérieure, une réalité qui influence la persévérance et le cheminement des cégépiens.
Le troisième chapitre, « Des difficultés sur le chemin de la réussite : situations et gestion du stress », examine le déroulement du stage et identifie les situations de stress vécues par les étudiants. Il aborde certains aspects du stress scolaire, tel l’apprentissage du français québécois, et du stress d’acculturation.
Le quatrième chapitre, « Les relations d’altérité : de la classe au stage », se concentre sur les interactions entre les stagiaires et les bénéficiaires ou les intervenants du milieu, et avec les professeurs responsables de stages.
Le cinquième chapitre, « Les professeurs responsables de stage et la diversité ethnoculturelle », présente des éléments de perception de la situation d’apprentissage des étudiants par les professeurs.
Le rapport met en lumière 4 défis que pose la présence des étudiants issus de l’immigration dans les programmes de techniques:
1-Assurer l’intégration des étudiants tant dans la classe que dans les milieux de stage par différentes interventions pédagogiques et par la reconnaissance et l’appréciation de la diversité ethnoculturelle.
2-Soutenir les étudiants dans l’acquisition d’attitudes favorables à leur cheminement scolaire en les encourageant à être proactif dans leurs études, à être positif et à avoir confiance en eux, à participer à un réseautage et à utiliser les ressources et les services des cégeps.
3- Amener les étudiants à se décentrer afin qu’ils puissent aménager des aspects de leur identité ethnoculturelle en fonction des exigences d’une profession tout en considérant que des éléments ethnoculturels constituent des atouts.
4-Établir un lien de confiance au sein de la relation pédagogique afin de pouvoir les faire cheminer en tenant compte des réalités liées à leur condition d’étudiants issus de l’immigration et à la complexité de leur situation d’apprentissage.
Enfin, la chercheure propose des pistes d’action pour le développement d’une compétence interculturelle regroupées en cinq axes:
A. Des politiques et des mesures institutionnelles à adopter.
B. La reconnaissance du caractère hétérogène et ethnoculturel des étudiants issus de l’immigration.
C. La formation interculturelle : miser sur la décentration, la tolérance à l’ambiguïté et la communication non verbale
D. Reconnaître la dimension racisée des relations interculturelles : outiller pour lutter contre les stéréotypes et les préjugés
E. Sensibiliser les milieux de stage.
Mots-clés: Étudiants étrangers – Stages